lagrandeguerreleshommes des tranchées

la lettre du 5 Novembre 1914

 

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Ma bien aimée,

Hier soir j’ai reçu ton aimable lettre datée du 1e Novembre et portant le No 19. Je ne sais où a passé le No 18, peut-être as-tu oublié le No de ta précédente et as-tu mis par erreur 19. Tu me dis que tu regretterais si je n’avais pas reçu ton colis. Je t’ai écrit sur d’autres lettres que je l’avais reçu intact. Et toi, as-tu reçu la lettre qui contenait le mandat-poste de 50 fr. Je pense que tu l’auras reçu lorsque tu recevras cette lettre.

Je n’ai pas encore reçu la visite de Dupré Roux. Si je savais son adresse, je pourrais aller le voir. Tache de me l’envoyer si tu peux.

Je n’ai pas encore écrit à Belin, je suis été toujours occupé, et ai toujours renvoyé. Mais je vais le faire après ta lettre. Je pense qu’ils recevront la leur en même temps que toi, la tienne. Je leur enverrai une photo.

Je vois, par ce que tu me dis qu’il fait le même temps là haut qu’ici. Il pleut aussi très souvent. Je suis bien content que tu puisses arriver ainsi petit à petit à faire le travail, malgré le mauvais temps. Je vois que tu ne sais pas comment faire au sujet des porcs. Que t’en dis ton papa. Il voit peut-être mieux que personne ce qu’il y aurait à faire. Tu le vois, je ne peux que très difficilement te renseigner d’ici. Je t’en ai déjà parlé dans une lettre. Si je pouvais te donner un renseignement qu’il te fut possible de suivre, je le ferais bien, mais hélas je suis si loin, et je ne peux voir ce que tu peux avoir en réserve pour les nourrir l’hiver et l’été prochain. Tu peux penser aussi que tout l’été ils te mangeront bien de la farine, car tu seras obligée de leur donner un peu, sans cela ils maigriraient trop. Si j’étais sûr de revenir dans le printemps, au mois d’avril par exemple, je te dirais de les garder, mais ce n’est pas sûr. Et puis d’après ce que je vois, je ne suis jamais sûr de rester ici. Je ne me fais pas des illusions, il me faudra probablement aller moi aussi faire un tour sur le front. Dans ce cas on n’est jamais sûr de revenir. Il ne te faut pas trop pleurer pour cela, que notre confiance soit en notre bien-aimé Sauveur. Il peut me garder aussi bien ailleurs qu’ici. Demandons à Dieu de mettre fin à tous ces massacres.

Bien chère Emma, je viens de recevoir ta 9e lettre datée du 1e Septembre. Oui, c’est bien 9e lettre. Tu peux peut-être en être étonnée? Je t’avais dis que cette lettre qui contenait le premier échantillon de l’habit de notre cher Georges s’était perdue. J’avais su par Pourret qu’elle était allée au 64eme et voilà qu’elle me revient intact. J’en ai grand plaisir.

Tu me disais que je t’indique comment il faut faire pour souder ou réparer un seau. Je ne sais pas et même je crois que tu n’arriverais pas à faire ce travail. Tu gaspillerais trop de marchandise. Il faut savoir bien le nettoyer et c’est difficile de le faire. Je ne me souviens pas non plus où sont tous les outils. Il faut ce marteau en bronze, de l’étain et de l’acide chlorhydrique dans lequel on met du zinc. Il vaut mieux que tu fasses changer le fond. Tu dois l’avoir fait depuis que tu m’en parlais. Tu me le diras.

Tu me disais aussi sur cette lettre si je ne m’apercevais pas de ton absence, hélas tu peux en juger par toi-même. Tu me connais bien à tous points de vue. Je te l’ai d’ailleurs fait apercevoir plusieurs fois. Je voudrais bien que tu viennes me voir. Ce serait un grand plaisir pour moi. Mais comme je te le disais dans une de mes précédentes lettres, il vaut sûrement mieux pour toi que tu ne viennes pas. Tu dois comprendre. D’ailleurs si ce n’était pas que je sache que tu peines beaucoup et que peut-être tu n’arriveras pas à joindre les deux bouts, je ne languirais pas autant. Je m’habitue à ma vie de célibataire. J’ai le privilège de pouvoir correspondre avec toi. Certes cela ne vaut pas les bonnes causettes que l’on pourrait faire si on était ensemble, mais que la volonté de Dieu soit faite. Je remercie le Seigneur de ce que Il nous donne de ne pas murmurer contre Lui.

Au sujet de venir me voir, je pourrais bien encore te payer dans quelques temps ton voyage, en faisant le plus d’économies possibles. Il faudrait en outre du voyage au moins 4 francs à dépenser par jour pour notre nourriture et logement en ville, à moins que tu veuilles rester dans ma chambre. Tu réfléchiras à tout cela. Pour le moment je n’aurais pas toutes les économies nécessaires et cependant ce serait à présent qu’il le faudrait, car il se peut qu’à la fin Novembre ou commencement Décembre je ne sois plus ici. Si je ne pars pas à cette époque, je risque de rester encore un mois après. Ce serait très beau, car le froid aurait toujours un peu passé.

Enfin, ne te chagrine pas, tu vois que nous n’avons pas à trop nous désoler, il y en a qui sont plus mal partagés que nous.

 

Je termine donc en te disant d’embrasser tes parents, notre cher petit Georges, duquel j’aime tant à lire les détails que tu me donnes.

Si un jour tu venais, il ne faudrait peut-être pas l’emmener, ce sera trop d’embarras. En tout cas avant que tu partes, nous en recauseront.

As-tu bien, bien envie de me voir?…

 Adieu chérie, je t’embrasse sur les deux joues et bien fort

 Ton cher époux

Reymond

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