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notre situation en Moselle

 

 

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On ne peut pas dire que la récupération de l'Alsace-Moselle a été à l'origine de la Grande Guerre même si cette préoccupation n'a jamais quitté les esprits. Par contre, le processus de germanisation s'intensifie pour intégrer définitivement le Reichsland au grand Reich.


C'est l'embrasement dans les Balkans et le jeu des alliances qui causèrent la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France le 3 août 1914.
Après l'échec des grandes offensives de Morhange et de Sarrebourg (14 et 20 août 1914), les Allemands sont toujours maîtres d'une Moselle grandie du pays de Briey, Longwy et d'une partie de la Meuse occidentale. Ils utilisent la Moselle comme base logistique nécessaire à l'offensive de guerre(qui ne se déroulent plus sur le sol mosellan).


Mais la guerre prend un tournant nouveau (notamment avec l'arrivée des américains en 1917) et, après des pertes considérables, les troupes françaises entrent à Metz le 18 novembre 1918.

 

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Le traité de Versailles du 28 juin 1919 rend l'Alsace-Moselle à la France, ce qui ne va pas sans poser des problèmes de réintégration de cette Moselle germanophone aux réalités françaises.

 

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L'Allemagne n'a jamais supporté ce « Diktat » de Versailles , et, au cours des années 1930, Hitler le démantèle petit à petit : la Sarre, par plébiscite, retourne à l'Allemagne en 1935, la Rhénanie est remilitarisée et, une fois de plus, la Moselle se retrouve en première ligne et, se sentant menacée, entreprend la construction de la Ligne Maginot.

 

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A Metz,les receveurs des postes sont consignés;des mitrailleuses,des voitures de munitions prennent sans arrêt le chemin du fort de Lothringen.Des four de campagne,des roulantes sont rassemblés dans la place.

Lorsque le conflit appelé plus tard « la « Grande Guerre

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» éclate, l’aviation de bombardement n’existe pas et le lancement de projectiles à partir d’aéroplanes est encore balbutiant. Les bombes se perfectionnent peu à peu et leur emploi devient de plus en plus fréquent. Progressivement aussi et, jusque vers la fin de 1915, se développe l’usage d’un engin paraissant maintenant bien archaïque : la fléchette lâchée en grandes quantités depuis des avions. Ce procédé est utilisé par les aviateurs français contre les rassemblements de troupes ennemies et il est attesté plusieurs fois à Metz. Il est connu par différentes sources, notamment grâce à une écrivaine allemande : 

 

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Ces lâchers de fléchettes, une jeune-fille notait dans son Journal :

le 30 avril 1915, on sait que son père – certainement impressionné par des bombardements successifs, au cours desquels, en plus des bombes, des fléchettes sont tombées sur l’agglomération messine – interdit provisoirement à sa fille de sortir. Sans doute voulait-il lui éviter le risque d’être atteinte par ce qui était qualifié à l’époque de « Mort silencieuse ». Il est donc loisible de s’interroger sur les caractéristiques de ce type de munition ainsi que sur son efficacité.

 

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C’est à cette double question qu’il va être répondu. Au préalable, il convient d’évaluer de manière plus détaillée que ci-dessus l’importance réelle à Metz des bombardements avec cet engin. Metz, cible des fléchettes Entre le début des hostilités et la fin de 1915, année au cours de laquelle elles disparaissent, l’utilisation des fléchettes par l’aviation française volant au-dessus de Metz est assez peu fréquente. Pourtant, au cours de cette période, 85 attaques aériennes sont recensées1 : les bombardements correspondants ont pour objectifs la gare centrale et son annexe, celles des marchandises (où il arrive que des unités soient embarquées), les installations ferroviaires voisines (les ateliers de Montigny-lès-Metz et le 1 Le Tagebuch (Journal) de la Congrégation des Franciscaines de Sainte-Blandine dénombre 6 attaques aériennes en 1914, 79 en 1915, 140 en 1916, 171 en 1917 et 308 en 1918. Fléchettes lancées par un aviateur français sur des troupes saxonnes et récupérées pour être présentées. Sachsen in grosser Zeit im Wort und Bild

, les dépôts militaires et les casernes. Parmi ces bombardements, on en compte seulement quelques uns avec des fléchettes, sans qu’il soit possible d’évaluer combien de victimes elles ont causé1 . Le centre de Metz vu par un aviateur français. La « ville nouvelle » (die neue Stadt) avec le quartier de la gare et la rue Charlemagne

Le premier lâcher de ces dards sur l’agglomération a lieu le 26 décembre 1914. Ce jour-là, « il y eut … une surprise : les fléchettes d’avions. Quelque chose de tout nouveau, de tout à fait inconnu à Metz » rapporte Adrienne Thomas 2 ; elle relate encore qu’elle en a « tout de suite eu une entre les mains, un soldat l’avait trouvée : une flèche de fer d’environ 10 centimètres de long ». À cette date effectivement, plusieurs aéroplanes lâchent quatorze bombes sur le terrain d’aviation et d’aérostation de Frescaty ainsi que des fléchettes – « une pluie de fléchettes »3 , peut-être 3 000 - sur la gare centrale. Celles-ci ne tombent pas sur l’objectif apparemment visé mais dans les environs : en particulier, plusieurs dans la cour et 1 « Dans un dossier des archives départementales de la Moselle, l’auteur a relevé le compte rendu succinct de 138 attaques sur Metz même ou sa banlieue … Au cours des 138 attaques recensées, il n’y aurait eu à Metz même « que » 59 civils tués et 183 blessés. Mais tous furent-ils mentionnés ? Et il y en eut ailleurs, à Montigny notamment. Bref, on peut estimer les victimes à environ 100 tués et 300 blessés. Au point de vue militaire, les mêmes documents totalisent 51 tués et 151 blessés. Ces chiffres, qui sont à peu près du même ordre que pour les civils, peuvent être facilement doublés. » 

sur le toit de l’hôpital SainteBlandine. Une fois le danger passé, on assiste à une recherche de ces projectiles : une véritable « chasse » selon le Tagebuch (Journal) de la Congrégation des Franciscaines de Sainte-Blandine qui ne rapporte aucune victime. Pourtant, Adrienne Thomas complète ainsi l’évocation de ce bombardement1 : « Heureuses fêtes de Noël » nous a souhaité, hier encore, l’inventeur du ballon rigide. Il ne pensait certainement pas qu’elles se passeraient ainsi, avec des flèches d’avions. Et c’est pourtant son invention qui est responsable de ce que, le 26 décembre, les pointes de ces meurtriers objets de fer ont envoyé quelques personnes de notre ville, ce jour de Noël 1914, dans l’éternité ». Quant au Journal de la Maison Mère de Sainte-Chrétienne, il mentionne à la date du 31 décembre : «… Dimanche, des centaines de flèches ont été lancées sur la gare, mais elles se sont égarées dans les environs. Une bombe est tombée au Sablon dans un jardin. Quatre aéroplanes français ont fait pleuvoir ces projectiles ». Ce dimanche correspondant au 27, il y a lieu de penser que la rédactrice du document a commis une erreur de jour. Il faut attendre le mois d’avril 1915 pour que les fléchettes fassent à nouveau parler d’elles à Metz. En effet, un autre lâcher se serait produit le 19 de ce mois, date à laquelle a lieu effectivement un bombardement de Metz. Adrienne Thomas relate2 que, ce jour-là, dans l’après-midi, elle est allée en ville et a rendu visite à son père au magasin situé dans la rue du Petit-Paris (Kl. Pariserstrasse 6). Il lui a « montré un petit trou dans la verrière de la cour, et pour toute explication une fléchette d’avion. Elle est tordue et fortement recourbée au milieu. Elle a dû être lancée avant l’ouverture ». Elle ajoute : « Que serait-il arrivé si elle était tombée dans une maison en activité, et pleine d’employés et de clients ? ». Mais ce lâcher n’est attesté par aucun document si ce n’est que, dans son Journal, la jeune Hertha Strauch a inscrit à la date du 25 une indication confirmant, sans date précise, la chute d’une fléchette ayant endommagé une verrière : « La semaine précédente, il y a eu un répit dans les visites des aviateurs. En revanche, il y en a eu quotidiennement pendant les sept derniers jours. C’est devenu un peu perturbant. La fléchette, qui a fait un trou dans notre verrière, sera encadrée. Elle est totalement cabossée, abîmée et presque brisée dans son milieu. » Un lâcher est effectivement enregistré pour le 25, car un des quotidiens messins, la Gazette de Lorraine, le rapporte exceptionnellement deux jours plus tard : « Le dernier (aviateur français) qui est

Précaution à prendre contre les aéroplanes. Nous recevons d’une plume autorisée les lignes suivantes : Dans ces derniers temps, notre ville a été maintes fois le but des attaques d’aviateurs ennemis. La plupart d’entre eux n’ont pas pu atteindre la ville. Ils ont, auparavant, été mis en fuite par notre artillerie. Mais il est toujours possible que quelques aviateurs ennemis, favorisés par des circonstances atmosphériques, (ciel couvert de nuages) arrivent jusqu’au-dessus de la ville. Les autorités, confiantes jusqu’au ici dans l’attitude calme et raisonnable de la population , n’ont pas cru devoir prescrire de mesures particulières de police pour ce cas. A l’apparition d’aviateurs ennemis, on fera bien de se retirer dans les maisons et non de courir aussitôt dans les rues et d’y provoquer des rassemblements. Les curieux sont prévenus. Qu’on se garde des racontars exagérés que l’on a coutume de mettre en circulation après des occasions semblables.

Ainsi, par exemple, le dernier qui est venu au-dessus de la ville y a jeté des flèches. Elles ont fait quelque dommage à des toits en verre et ont blessé une personne à la main, et c’est tout venu au-dessus de la ville y a jeté des flèches. Elles ont fait quelques dommages à des toits en verre et ont blessé une personne à la main »1 . En tout état de cause, cette période d’avril a dû être angoissante car, à la date du 30, Adrienne Thomas écrit2 : « Alors que la semaine dernière, les avions nous avaient laissé tranquilles, ils sont de nouveau venus tous les jours de cette semaine, ils nous ont envoyé des fléchettes et des bombes… ». Dans son Journal, pour le 30 également, la future romancière note : « Aujourd’hui à 8 h 30, je fus sortie de mon sommeil par de terribles explosions.

Des aviateurs naturellement. Sur la gare centrale. On leur a copieusement tiré dessus. Avec ou sans succès, qui le sait ? Nous avons eu presque chaque jour de la semaine la visite d’aviateurs. Papa m’a alors interdit de sortir. À cause des fléchettes. » Présentation des fléchettes Du fait de la faible capacité d’emport des avions de l’époque, l’emploi de bombes explosives est en principe réservé à la destruction de ponts, de dépôts, de gares et de hangars abritant des dirigeables. Pour les missions antipersonnel en rase campagne, un projectile particulier totalement inerte a été adopté par les Français : la fléchette Bon. Inventée par le célèbre ingénieur Clément Ader, qui fait part de son idée dans son livre L’aviation militaire (1909), et préconisée par le colonel Bon, elle est le résultat d’expériences et d’études approfondies. Réalisée d’une seule pièce dans un barreau d’acier doux, elle se compose de trois parties : une pointe faite au tour, un corps de la dimension du barreau original et un empennage en croix taillé à la fraise.

 

Pour réduire au maximum l’encombrement à bord de l’avion, le premier modèle était de section carrée. Il mesurait 63 millimètres de longueur et 6 de côté ; il pesait 9 grammes et avait une pointe conique de 60°. Après des essais portant sur la verticalité et la vitesse de la chute, ce fut finalement un modèle à corps rond de 8 millimètres de diamètre, d’une longueur totale de 100 millimètres, à pointe conique de 30° et d’un poids de 15 grammes qui fut adopté, donnant de bien meilleurs résultats. Sur plus de la moitié de sa longueur, ce modèle comportait des cannelures fraisées, formant des ailerons afin d’améliorer sa trajectoire, à la façon de l’empennage d’une flèche. Des témoignages allemands, pendant la guerre, évoquent des flèches pesant 16 grammes, longues de 100 à 120 millimètres et larges de 8.

Les exemplaires les plus courants semblent avoir une longueur de 120 millimètres pour un poids de 20 grammes. Les fléchettes sont rangées dans des boîtes, par rangées de 50, avec la pointe vers le haut. Pour arroser l’ennemi, l’aviateur n’a qu’un levier à manœuvrer et les 50 fléchettes d’une rangée tombent immédiatement de l’avion, se dispersant dans un quadrilatère de 200 mètres pour une altitude de lâcher de 500 mètres : l’altitude conditionne la zone de dispersion et la vitesse de la fléchette dont le pouvoir vulnérant nécessite une chute avec une vitesse de 100 mètres/seconde, soit une durée de 20 secondes au minimum.

En effet, la puissance d’un projectile chutant librement dépend de sa force vive qui est proportionnelle à la masse de celui-ci et au carré de sa vitesse. Elle-même est fonction de la hauteur de chute et de la résistance de l’air, laquelle dépend de la vitesse et de la forme du projectile. La résistance de l’air, augmentant avec la vitesse mais plus rapidement qu’elle, il existe pour chaque projectile, une hauteur à partir de laquelle l’équilibre dynamique est atteint et où la vitesse n’augmente 1 Gazette de Lorraine 1915  Mardi 27 avril : Chronique locale. Les curieux sont prévenus.

Pour la fléchette Bon, les expériences menées au camp de Châlons et dirigées par le colonel Estienne1 ont donné des vitesses à l’arrivée au sol, respectivement de 67, 96, 102 et 112 mètres/secondes pour une altitude de lâcher de 250, 600, 700 et 1 000 mètres. A partir de 600 mètres, le gain en vitesse peut être considéré comme négligeable. Le mode de lancement des fléchettes. As an alternative to bombs on troops in the open : pointed steel darts dropped from aeroplanes.

À la vérité, les fléchettes présentent un handicap majeur : elles manquent gravement de précision. Outre le fait qu’elles doivent être larguées à la bonne altitude pour acquérir la vitesse nécessaire, ces minces tiges d’acier réagissent différemment selon la pression atmosphérique et le vent joue un rôle important sur leur trajectoire. La marge d’erreur, en raison de ces paramètres, demeure trop grande pour que l’on soit en droit d’attendre du bombardement par fléchettes une certitude dans le résultat. Séduits par sa simplicité et sa souplesse d’emploi, les Allemands copient ce type de munition. Le 8e bataillon de chasseurs à pied en fait les frais le 15 août 1914 à l’ouest de Briey ; pour ce conflit, ce serait d’ailleurs le premier emploi.

Afin de réduire la proportion de projectiles tombant à plat ou de biais, ces copies allemandes ont un corps dont le diamètre est réduit à 7,5 millimètres et un empennage allongé de deux centimètres. Les Français à leur tour s’inspirent de leurs adversaires et allongent l’empennage de leurs fléchettes. Les Anglais et les Russes adoptent également les fléchettes inertes.

 

Les Français, qui avaient dès 1912,  Jean-Baptiste Estienne (1860-1936), connu pour être le « père des chars », est d’abord un pionnier de l’aviation. A partir de 1909, il est chargé des études sur le développement de celle d’observation. Il effectue aussi des recherches et des essais concernant l’armement des avions, en particulier avec des fléchettes ainsi qu’avec des projectiles explosifs et incendiaires. Il fait également procéder à de nouvelles expériences d’utilisation en vol d’une mitrailleuse montée sur un avion.

imaginé des fléchettes incendiaires, en utilisent deux modèles au début du conflit. Quant aux Italiens, ils en inventent aussi. Enfin, les Allemands, désireux d’améliorer le pouvoir vulnérant de tels engins, réalisent plusieurs versions explosives. .

 

L’emploi des fléchettes et leur efficacité Hormis les effets mortels sur les hommes et les animaux, les fléchettes sont destinées à semer le désordre dans les rassemblements de troupes, provoquer un effet moral sur les personnes prises sous un lâcher et même faire peser un danger dans les zones soumises à des survols d’avions ennemis : dès que les fantassins, artilleurs, cavaliers, etc., eurent compris qu’ils pouvaient être touchés voire tués par cette arme silencieuse, ils considérèrent tous les aéroplanes comme potentiellement dangereux. Il est évident que l’aviateur ne cherche pas à atteindre des petites unités isolées ou des groupements de troupes largement étalés. L’efficacité maximale est obtenue sur des colonnes en marche ou des unités en réserve massées à proximité du champ de bataille. Dans le premier cas, l’utilisateur de fléchettes aura affaire à des hommes debout, dans le second à des hommes debout ou couchés.

L’efficacité augmente lors de l’attaque de colonnes comprenant des chevaux – des détachements d’artillerie et surtout de cavalerie, ceux-ci constituant une cible vraiment « intéressante ». En toute état de cause, cette munition n’est pas initialement destinée à être lâchée sur les ballons dirigeables allemands ; peut-être cet usage est-il avéré, à moins que ce ne soit qu’un « bruit de popote » ? Ainsi, le 2 octobre 1914, Célestin Pégoud aurait détruit deux ballons allemands aux environs de Fresnes-en-Woëvre.

 

Un modèle britannique, la fléchette Ranken, sera même spécialement conçue pour endommager l’enveloppe des Zeppelins. Les expériences et les calculs réalisés ont permis de prescrire que, pour avoir la certitude d’atteindre un homme, il fallait réaliser une densité de 15 fléchettes au mètre carré pour des hommes debout et de 2,5 à 5 pour des hommes couchés. Avec 100 fléchettes lancées correctement sur un régiment (soit environ 3 000 hommes) en colonne de marche, il y a la possibilité d’avoir un rendement théorique de 2,5 hommes touchés. Sur une compagnie isolée, le rendement théorique est de 4,4 hommes touchés pour 100 fléchettes lancées. Si les hommes de cette compagnie s’étendent (ou sont allongés) en restant en files de quatre en position d’attente, le rendement théorique progresse pour atteindre 6,6 % à 14,2 %. Produite à partir de 1912, la fléchette Bon fait son apparition cette année-là dans le concours intitulé l’«Aérocible Michelin »1 . Elle est aussi utilisée au cours d’opérations se déroulant dans le cadre de la campagne du Maroc en 1912-1913. Le général 1 L’« Aérocible Michelin » est un concours créé par deux industriels, les frères Michelin. Il est organisé en 1912, au camp de Châlons, pour stimuler les inventeurs et les pilotes militaires dans la recherche de la précision du bombardement aérien. L’épreuve est destinée à savoir si, en cas de conflit, des avions français seraient capables de surprendre et détruire des Zeppelins allemands avant qu’ils prennent l’air. Une fléchette Bon : 120 millimètres, 20 grammes.

Lyautey, dans un rapport du 17 mai 1912, réclame d’ailleurs 300 obus incendiaires, 500 obus brisants et 300 kilos de fléchettes. En janvier 1913, un médecin militaire – le médecin major Vennin – se livre à une étude du pouvoir vulnérant des fléchettes Bon. La question posée et de savoir si les blessures produites par ces projectiles étaient suffisantes pour justifier leur emploi à la guerre, sachant que leur choc correspond, pour une chute de 250 mètres, à une pénétration de 20 à 29 millimètres dans une planche de sapin. Ne disposant pour ses expériences que d’une hauteur de chute de 13 mètres, Vennin doit d’abord confectionner un projectile spécial permettant d’obtenir le même résultat que celui produit par une fléchette Bon normale tombant de 250 mètres. Deux séries d’essais sont effectuées : sur une planche de sapin recouverte de vêtements et sur des cadavres placés dans diverses positions. Ces expériences et d’autres montrent que les seules blessures réellement sérieuses concernent les huit décimètres carrés de la calotte crânienne, la pénétration à partir de l’épaule pouvant néanmoins entraîner des lésions graves en raison de sa profondeur. Après la déclaration de la guerre, des stocks de fléchettes sont disponibles et donc distribués dans les escadrilles. Dès le 16 août, le Grand Quartier Général français donne des instructions visant à généraliser l’emploi de ces projectiles. La production de ces munitions est poursuivie et leur utilisation aussi. En voici une série d’exemples qui est loin d’être exhaustive. Le 26 août 1914, en mission dans le secteur de Gerbéviller et Baccarat, un aéroplane lance trois bombes et 1 000 fléchettes sur des rassemblements ennemis. Le 1er septembre, une cinquantaine de fléchettes lancées sur un bataillon au repos, donc avec une proportion importante d’hommes assis ou allongés, cause la mort de l’un d’entre eux et occasionnent des blessures à quatorze autres. Une escadrille, la M.F. 13, arrose généreusement de fléchettes des concentrations de troupes allemandes en Argonne, au début d’octobre et, au cours du même mois, la C.11 réalise onze lancements identiques en Champagne. Le 23 de ce mois, dans un bombardement sur Thiaucourt, 4 000 fléchettes et 4 bombes sont lancées par deux avions et, sur le même objectif, un autre appareil lâche 2 bombes et 30 kilos de fléchettes. Le 27 suivant, le général von Meyer, commandant la 37e brigade de Landwehr, s’effondre alors qu’il va monter dans sa voiture : une fléchette s’est enfoncée dans son épaule et a pénétré jusque dans les intestins. Le 17 novembre, un autre lancement de bombes et de fléchettes est attesté sur le secteur d’Apremont, au sud de Saint-Mihiel, un autre encore le 22 novembre sur Bucquoy. Ces exemples prouvent que, dans les premiers mois de la guerre, les aviateurs français font un large usage de ces matériels : ce constat est confirmé par le fait que, par exemple, en octobre 1914, l’aviation française consomme en moyenne 50 000 fléchettes par jour, ce qui représente près de cent bombardements.

Une autre confirmation peut être trouvée dans une publication éditée en 1915 et intitulée Aéroplanes, Dirigeables et Zeppelins : elle mentionne que les aviateurs français ont été, depuis plusieurs mois, abondamment dotés de fléchettes1 . Il y a encore d’autres exemples d’utilisation de ces projectiles au cours de 1915. En février, un bombardement vise le quartier général du Kronprinz impérial à Stenay : une quinzaine d’avions survolent le château où loge le commandant de la 5e armée, lançant des obus aux alentours et 2 500 fléchettes dont certaines auraient fait des victimes ; à la même époque, il y en a un sur des batteries d’artillerie non identifiées (18 bombes et 5 500 fléchettes) ; le 15 avril, un même aviateur effectue huit missions dans la même journée (32 bombes et 18 000 fléchettes) ; le 15 juin, un convoi allemand est attaqué aux environs de 1  « La mort silencieuse » , une histoire des fléchettes aériennes. Gazette des armes N° 52 - Septembre 1977. p. 25 SOCIETE D’HISTOIRE DE WOIPPY CHRONIQUES Dans son numéro du 15 août, « Le Petit Journal » fait état que le Kronprinz impérial a dû se réfugier sous son automobile pour éviter une pluie de fléchettes sur la route de Varennes-en-Argonne. Le 2 octobre, 22 appareils du 1er groupe de bombardement lâchent 103 obus sur différents objectifs à Vouziers et Challerange ; les quatre avions de chasse qui les escortent lancent 5 000 fléchettes sur des parcs (dépôts) et des tentes à Manre, Aure et Chestre ainsi que sur le terrain d’aviation de Vouziers. Il y a encore un lancement de fléchettes sur le terrain d’aviation de Burlioncourt (2,5 kilomètres au nord d’Hampont) dans la nuit du 17 au 18 octobre. Cette action est peut-être la dernière attestation de l’emploi des fléchettes, qui disparaissent ensuite des communiqués. Il n’est plus fait mention d’un tel usage, avec une exception : un témoin rapporte qu’au printemps 1918, des troupes allemandes en mouvement ont subi des lâchers de fléchettes,

. L’attaque d’une batterie allemande d’artillerie.

 la fléchette Bon est une munition paraissant bien archaïque, même si cette sorte d’arme fait encore partie de l’arsenal américain dans les années 50 (en Corée) et même 60 (au Vietnam). Elle est souvent utilisée par l’aviation française en 1914-1915 et, pendant cette période, elle constitue un sujet de crainte permanent pour les Allemands, dès lors qu’ils sont survolés par un avion adverse voire même non identifié.

 

En effet, aucun sifflement caractéristique n’accompagne la chute de ces projectiles et les témoignages de victimes montrent qu’elles n’ont ni vu ni entendu arriver le dard vulnérant ; c’est la douleur de l’impact et de la pénétration qui leur a fait prendre conscience de leur blessure. Seul parfois, lorsque les rayons du soleil sont convenablement orientés, un éclair argenté annonce le départ de la pluie d’acier, ce qui vaut à la fléchette le surnom de « Mort silencieuse ». Sa capacité de perforation est incontestable et, à l’époque, une légende encore répétée de nos jours affirme qu’elle est capable de traverser le casque d’un cavalier, celui-ci, puis son cheval. Sur les agglomérations proches du front, elle ne paraît pas avoir été employée ; à Metz, des harcèlements avec de tels projectiles sont liés aux rassemblements de troupes se produisant à la gare.

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